Barocland

C’était comme un départ en vacances, comme un départ de virée sympathique entre copains. Un départ sous un soleil éclatant et un joli ciel bleu agrémenté de quelques nuages blancs gambadant gentiment. Les compagnons auraient donc pu être heureux. Mais la perspective de ce voyage imprévu dont l’issue était on ne peut plus mystérieuse ne les réjouissait pas du tout. Leurs visages presque affligés ne se fondaient pas comme il aurait fallu dans ce beau tableau qui aurait du s’intituler « Départ joyeux de randonneurs radieux ». De plus, pas un mot n’était échangé, ce qui donnait une dimension encore plus dramatique à la scène. Eugène et John évitaient de croiser leur regard, l’un fixant la porte d’entrée de la maison d’Arthur, l’autre fumant une cigarette tout en admirant ses chaussures de randonnée.
La porte s’ouvrit sur un Arthur dépité. Il franchit l’embrasure, referma derrière lui avec soin. Le cliquetis de la clef avait un son anormalement angoissant. Il la rangea dans une des nombreuses poches de son sac à dos. Ses mouvements étaient lents. Il voulait repousser l’échéance du moment où il quitterait Raindown pour plusieurs jours, peut être même pour toujours.
Lui qui était de nature si angoissé, il est évident que la tournure que prenait les événements n’arrangeait rien. Il était tout simplement mort de trouille. Et John regrettait de lui faire subir ça. Toujours sans un mot, après avoir échangé juste un regard furtif, les trois amis, chacun avec un sac sur le dos et bien chaussé, du moins le mieux qu’ils avaient pu, prirent la direction de la sortie est de la ville. Là, ils passeraient sous la Porte Est de l’ancien rempart et pourraient ainsi prendre le chemin de la Grande Forêt, à la lisière de laquelle les attendait Makoon Dylamini.